✖ i'll put my armor on, show you how strong i am (PN).

Tu es la fille d’un père très pieux. Celui-ci avait déjà une famille, en Allemagne. Ta mère, elle était une serveuse dans le bar du coin. Un bar très miteux, où la pire race d’hommes traînait trop souvent. Ton enfance n’a rien de fabuleux. Tu ne savais pas vraiment, à l’époque, ce qu’était une famille heureuse et stable. Pour toi, c’était ce que tu avais juste devant tes yeux. Des parents qui se parlent peu, un père toujours absent. Ta mère, au moins, te servait de figure maternelle et paternelle. Elle était celle vers laquelle tu te tournais. Elle était l’étoile scintillante et le sourire qui illuminait chaque journée, malgré les soirées longues au bar. Ton père, à chaque année qui passait, se faisait de plus en plus distant, et toi, du haut de tes cinq ans, tu n’arrêtais pas de poser des questions. Ta mère ne voulait pas que tu saches. Elle préférait te protéger, te garder du danger qui te briserait le cœur. Cependant, plus tu la harcelais, et plus elle se déchirait de l’intérieur. Finalement, à tes dix ans, elle t’informa de la double vie de ton père. Il avait déjà une famille en Allemagne. Une femme qui l’aimait et une fille qui l’attendait. Tu te remplis alors de haine et de jalousie. Cette fille, qui qu’elle soit, avait pris la partie manquante de la vie d’un enfant. Elle t’avait volé. Tu grandis ainsi aigrie par la vie.

Un obstacle de plus. Le destin n’en avait pas encore fini avec toi. À tes douze ans, une autre vague de souffrance vint combler le vide qu’avait laisser ton père. Tumeur, un mot qui en soit est toujours accompagné de peine et de désolation. « Qu’est-ce qu’on peut faire, docteur ? » Tu entendais faiblement ta mère demander au spécialiste. Il n’y avait rien à faire. Tu avais, sans le vouloir, signer un contrat avec la Mort, et malgré qu’il n’y ait pas de date inscrite, tu savais déjà que tu ne réussirais plus jamais à vivre une vie normale. Bourrée de médicaments aux noms imprononçables et de traitements de chimiothérapie continuels, tu perdis bien vite goût à la vie. Simple adolescente, et déjà, tu ne souhaitais qu’une chose ; être seule avec tes problèmes. Cependant, ta mère te poussa à ne pas perdre espoir et te força à continuer les études. C’est ainsi que, placer sur ton chemin, tu découvris la flamme qui t’animerait, une passion qui te ferais oublier tout le mal que tu portais en toi. Les saignements de nez, les migraines, rien de ça ne t’a empêché de poursuivre tes rêves. Les sciences, voilà ta muse ! Ta mère, elle, heureuse de voir sa fille aller de l’avant et ne plus penser au passé, entreprit toutes les démarches nécessaires pour déménager. En effet, vous habitiez dans un petit coin perdu du Wisconsin et afin de t’encourager à poursuivre tes rêves, elle choisit la ville de Chicago, dans le Far North Side.

Alors que ton futur te semblait plus clair, voilà que ton passé te rattrapa. Ton père. La pièce de puzzle qui te manquait. Celui que tu ne voulais plus revoir. La dualité de tes émotions de fillette. Que faisait-il à Chicago ? Pour ta part, tu refusais ses tentatives de renouement. Tu ne voulais même pas voir son visage devant tes yeux. Tu croyais que ta mère en ferait de même. Malheureusement, elle était bien trop attachée à lui. Elle s’accrocha à lui comme au premier jour. Pour en rajouter sur ton supplice actuel, il vous acheta un chalet. Qu’était-on, pour lui ? Un jouet ? Une échappatoire ? Tu ne pouvais que le détester encore plus. Mais ta mère … elle était au septième ciel. Son bonheur se lisait sur son visage. Ce fut donc après bien des mois de ruminements que tu as dû, un peu à contrecœur, ouvrir la porte de ton cœur, une fois de plus, à cet homme qui continuait de voyager par intermittents.

Deux mille quinze. La dernière fois que tu vis ton père. Ces derniers mots te donnent encore des frissons. « Je t’aime, Pandora. » Quel manque d’amour, que de prononcer ces mots monotonement. « N’oublie jamais ce que je suis dans votre vie et qui je peux être dans une autre vie. » Des mots vides. Vides comme l’homme qui venait de vous quitter. Un baiser sur le front, les au revoir de ta mère et voilà qu’il tournait le dos pour ne plus jamais revenir. Ce soir-là, tu t’enfermas dans ta chambre et détruit tout objet qu’il aurait pu toucher. Il fallait que tu l’efface de ta mémoire. Mais comment ? Ta médication quotidienne n’était pas aussi forte. C’est ainsi que tu te tournas vers quelque chose de plus fort, les drogues dures. Tu sombras alors dans un monde bien plus terne que celui que tu avais connu jusqu’à maintenant. Certes, tu ne laissas pas pour autant tomber ton boulot actuel à l’hôpital en tant que nouvelle technologue d’analyses biomédicales. Toutefois, celui-ci devint un peu plus comme ton gagne-pain pour t’acheter ce qu’il te fallait pour ne pas péter un plomb.

Mais tout ça, tu le cachais de ta mère. Tu savais que cela lui briserait le cœur, que de voir sa princesse devenir une droguée, une pauvre idiote en train d’émietter sa vie, peu à peu. Tu commençais à traîner un peu plus le soir avec des gens pas très recommandables. Des groupes, autant d’hommes que de femmes. Ils avaient accès à tout ce dont tu avais besoin, et mine de rien, ça te permettait d’avoir un peu de compagnie. Ce fut au retour d’une de ses soirées mouvementées que tu appris, par le biais de ta mère et d’un article de journal, que ton père avait été l’auteur d’un suicide collectif. Le suicide collectif de ton autre famille. Celle avec laquelle ton père passait le plus clair de ton temps. Une surprise le plus. Il y avait une survivante. Ta demi-sœur, celle vers qui toute ta haine était dirigée depuis le début. Tu jetas l’article à la poubelle et, par ton geste, ta mère s’offusqua. La discussion ne cessa que lorsque tu pris tes choses et parti de la maison. Tu t’approchas un peu plus de la vie en ville. Tu étais ainsi plus proche de ceux que t’appelais ‘ami’ et ton trajet entre la maison et le travail se fit plus courte. Mais le plus important, c’est que l’étincelle de vie qui brillait dans tes yeux se fait maintenant de plus en plus terne. Plus rien ne te donne envie de continuer. Tu vas mourir de toute manière. Alors à quoi bon choisir le bon chemin ?